Lipodystrophies et diabète, comment les éviter et que faire si elles apparaissent ?

Les lipodystrophies sont des anomalies de la répartition du tissu adipeux caractérisées par des amas graisseux sous la peau, de taille variable. Fréquentes chez les personnes atteintes de diabète (on estime qu’une personne atteinte de diabète sur 4 sera concernée au moins une fois), leur récurrence peut cependant être réduite. Rencontre avec le Dr Muriel Bénichou, chef de service au CHU de Perpignan (service diabétologie, endocrinologie et maladies métaboliques).


Quelles sont les causes des lipodystrophies chez les personnes atteintes de diabète ?

Elles sont principalement induites par de mauvaises techniques d’injection, pouvant engendrer des microtraumatismes dans la zone d’injection et au fait que l’insuline est un facteur de croissance, qui favorise la synthèse de graisse. C’est cet effet combiné qui va créer une anomalie sous-cutanée, sous forme de petite boule.

 

Et quelles en sont les conséquences ?

Cela peut entraîner une résorption aléatoire de l’insuline qui va elle-même engendrer une certaine instabilité glycémique, avec des alternances de phases d’hypo- et d’hyperglycémie en fonction des cas. Si la résorption est ralentie, cela va entraîner une hyperglycémie, qui va inciter le patient à augmenter la dose d’insuline injectée, ce qui peut causer ensuite une hypoglycémie, notamment si l’injection se fait dans une autre zone, non atteinte par une lipodystrophie. Et au contraire, la lipodystrophie peut céder brutalement, faire éclater la poche et accélérer l’absorption de l’insuline et risquer une hypoglycémie sévère.

 

Est-ce qu’il y a d’autres facteurs de risque ?

Non. Dans le cadre des personnes atteintes de diabète, les lipodystrophies sont liées à l’injection d’insuline. Elles ne sont pas influencées par l’indice de masse corporelle par exemple, ni par le type d’alimentation.

 

Comment les détecter ?

Tout d’abord, lors des rendez-vous avec son professionnel de santé, celui-ci doit s’assurer de leur présence (ou de leur absence), via un diagnostic visuel mais également effectuer une palpation des zones d’injection. Il doit également former son patient, afin qu’il puisse, de son côté, les détecter le plus tôt possible, par auto palpation ou examen visuel. Ce sont généralement des petites boules, qui forment des bosses assez rapidement détectables, même si elles peuvent également se situer plus en profondeur sous la peau.

 

Est-ce qu’elles sont forcément visibles ?

Pas forcément, car leur taille peut varier, de la taille d’un petit pois à celle d’une orange. Quand elles sont très petites, elles peuvent être plus difficiles à repérer, d’où l’importance d’une éducation thérapeutique avec son professionnel de santé, qui va permettre de les détecter avant qu’elles ne grossissent, ce qui arrive quand on persiste à injecter dans la zone touchée.

 

Quelles sont les bonnes pratiques en matière d’injection pour prévenir leur apparition ?

Ce sont généralement les bonnes pratiques diffusées par tous les acteurs de la prise en charge du diabète : professionnels de santé, prestataire de santé, diabétologie du centre initiateur, etc. La première, c’est d’effectuer une bonne rotation des sites d’injection, entre l’abdomen, les cuisses, les bras et les fesses. On divise ces zones à la façon d’un cadran, et chaque semaine, on change de site d’injection en faisant une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre. Et entre chaque injection, on respecte un écart d’une largeur de doigt.

Deuxièmement, on privilégie des aiguilles courtes, d’une longueur de 4 mm, afin d’éviter les microtraumatismes causés par des aiguilles trop longues, et on réalise l’injection avec un angle de 90 degrés.

Enfin, on évite de réutiliser les aiguilles, car celles-qui ont déjà utilisées peuvent être parfois endommagées, avec un bison un peu abîmé, ce qui peut favoriser l’apparition de douleurs, d’infections et deles microtraumatismes et donc une éventuelle lipodystrophie.

 

Et si cela arrive, quels sont les bons réflexes ?

Déjà, dès qu’elle est détectée, il faut ne plus injecter dans les lipodystrophies. Et parfois, comme on a moins mal dans cette zone, certains ont tendance à continuer à injecter dans la lipodystrophie. Or il est fondamental de ne pas le faire : en cas de mauvaise absorption de l’insuline dans la zone, le patient est amené à augmenter la dose injectée, ce qui va déséquilibrer sa glycémie. Il faut donc la laisser au repos, car cela peut prendre plusieurs mois pour disparaître. Il faut également en parler avec son médecin traitant ou son diabétologue

Est-ce qu’il peut y avoir des adaptations à faire, en matière de dose d’insuline injectée ?
Oui, on est parfois amené à réévaluer les doses d’insuline et les réduire de 20%, tellement le patient a dû augmenter sa dose pour tenter de maintenir une glycémie correcte. C’est pour cela qu’il est important d’en parler. On n’y pense pas forcément immédiatement, mais c’est une cause assez fréquente de mauvais équilibre glycémique, et qui est finalement assez facilement détectable. Ce n’est pas forcément la cause unique, il y a souvent d’autres paramètres, mais cela peut y contribuer.

Qu’en est-il pour les patients équipés d’une pompe à insuline ? Sont-ils moins sensibles aux lipodystrophies ?
Le traitement par pompe, comme il n’y a pas d’injection quotidienne mais “seulement” un changement de cathéter tous les trois jours, peut en effet limiter l’apparition de lipodystrophies. Néanmoins le risque existe. Cela peut arriver lorsque le cathéter n’est pas changé assez régulièrement et il est important de ne pas le garder plus de 3 jours. Il faut quoi qu’il en soit rester vigilant, procéder à des examens visuels et des palpations régulièrement sur les zones d’injection et également procéder à une rotation de la zone d’insertion du cathéter. Ce sont les mêmes recommandations, même si la fréquence est moins importante puisqu’on ne se pique pas plusieurs fois par jour.

Retrouvez le témoignage d’Alexia