Diabète, pompe à insuline… comment bien vivre sa sexualité ?

Que ce soit pour des raisons physiques ou psychologiques, le diabète impacte la sexualité des femmes et des hommes qui vivent avec la maladie. Celle-ci affecte l’estime de soi, perturbe la biologie des individus, entraînant des troubles sexuels. Les pompes à insuline peuvent représenter une contrainte supplémentaire : que faire avec l’appareil lorsque je veux avoir un rapport avec mon partenaire ? Comment gérer ma glycémie dans ces conditions si je dois la débrancher ? Des solutions et retours d’expériences existent aujourd’hui pour mieux appréhender la sexualité avec le diabète.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, « la santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans son ensemble ». Et le diabète peut avoir des conséquences importantes sur la sexualité des patients.

Les troubles de la sexualité chez les hommes

Chez les hommes, les troubles engendrés sont aujourd’hui bien identifiés. Le diabète, qu’il soit de type 1 ou de type 2, peut entraîner des problèmes d’érection (dysfonction érectile) et de l’éjaculation aux origines physique ou psychologique. Le diabète provoque une atteinte des artères (artériosclérose), des nerfs (neuropathie) et des tissus caverneux, ce qui peut entraîner une insuffisance ou une absence d’érection. Une glycémie déséquilibrée, et certaines pathologies associées peuvent encore renforcer les impacts négatifs sur la physiologie (1).

Pour André Corman, Médecin Sexologue et Andrologue, « Le diabète modifie l’élasticité des corps caverneux, les érections deviennent donc « molles » et plus difficiles à maintenir. Le « kairos » (ou l’art de saisir l’instant « t ») joue un rôle majeur : Si l’intervention est trop tardive, la dysfonction érectile sera beaucoup plus difficile à soigner ensuite. Celle-ci s’aggrave lorsqu’elle n’est pas soignée, et le corps médical doit être proactif pour la détecter et la prendre en charge. »

Beaucoup d’informations sont aujourd’hui disponibles sur les hommes et les troubles de l’érection. « Au bout de 10 ans d’évolution d’un diabète on est à peu près sûr qu’il va y avoir des problèmes d’érection » précise André Corman. « Mais, dès le diagnostic parfois, un homme peut être sûr psychologiquement que ses problèmes d’érection viennent du diabète. Dans ce cas, cette anxiété anticipatoire peut entraîner ou aggraver ses problèmes d’érection. »

Les troubles érectiles augmentent avec l’âge, et l’impuissance n’est pas systématique. Il y a ainsi une relation entre l’équilibre du diabète et la fonction érectile. Des solutions existent pour aider les patients diabétiques à conserver une sexualité. Pour prendre en charge au mieux les troubles sexuels, le patient peut donc équilibrer son diabète, et envisager un traitement adapté à ses besoins (1).

En cas de problèmes d’érection, le médecin peut prescrire des IPDE5 en première intention, et, en cas d’échec il peut prescrire des injections intracaverneuses dans la verge (remboursées par la Sécurité sociale). Elles sont efficaces dans 70 à 80 % des cas, même si le diabète est un peu évolué. Autre possibilité, le recours au vacuum, un cylindre dans lequel le patient enfile sa verge avec une pompe à vide qui favorise l’érection. Une fois celle-ci obtenue, il place un garrot à la racine de la verge qu’il peut conserver 30 minutes. Pour un meilleur maintien de l’érection, ceci peut être couplé avec la prise de comprimés ou une injection intracaverneuse. Enfin, un homme diabétique peut avoir recours à une dernière solution, la pose, sous anesthésie générale, à la racine de la verge, d’implants péniens (1).

« Les hommes ont souvent des difficultés pour parler de leurs problèmes d’érections, et achètent notamment des produits, parfois contrefaits, sur internet » explique André Corman. « Il faut pouvoir éviter cela, et c’est incroyable comme la honte de consulter reste présente. Le médecin doit être proactif. Il existe aujourd”hui la plateforme charles.co, qui permet aux hommes de pouvoir consulter selon un mode privilégié avec un spécialiste, afin d’aider justement sur cette question. »

Les troubles sexuels chez les femmes

Chez les femmes, les troubles sexuels liés au diabète sont d’ordre différent. Les patientes sont principalement concernées par des troubles de la lubrification, et par l’apparition de mycoses qui provoquent démangeaisons et douleurs lors des rapports sexuels. La présence de mycoses est fortement corrélée à l’équilibre du diabète, et à la prise d’antibiotiques. Les mycoses se traitent par des médicaments locaux antifongiques, mais elles ont tendance à récidiver si l’excès de sucre ne diminue pas. Pour les médecins, c’est même une sorte de « baromètre du diabète » (2, 3).

Les femmes peuvent également être sujettes à une sécheresse vaginale qui rendent les rapports difficiles, voire douloureux, ainsi qu’à des troubles du plaisir sexuel liés à l’atteinte neurologique clitoridienne. En effet, l’hyperglycémie peut avoir des impacts à long terme : si elle n’est pas correctement soignée, au bout de quelques années elle endommage les nerfs du clitoris, diminuant sa sensibilité (2, 3).

Ces déséquilibres ne sont pas systématiques, et résultent avant tout d’un diabète mal soigné et mal équilibré. En prévention, la meilleure chose à faire pour les patientes est donc de suivre très sérieusement un traitement et de bien soigner son hygiène de vie pour mettre toutes les chances de son côté (2, 3).

Si les désagréments dans le cadre du diabète sont réels, ils ne doivent pas empêcher d’avoir une vie sexuelle. Et plusieurs aides peuvent être sollicitées pour cela, il ne faut pas hésiter à en parler à son médecin.

Tout d’abord, le dialogue s’avère essentiel pour aider le ou la partenaire à mieux comprendre ses besoins. Il est nécessaire de créer un climat positif, une écoute, afin de pouvoir s’exprimer. Au début d’une relation, le partenaire n’est pas forcément au fait de la maladie de l’autre, de l’existence de la pompe à insuline, il suffit de lui expliquer ce qu’est le diabète et la pompe à insuline, dans la plupart des cas le partenaire est à l’écoute et soutenant et cela peut même créer une certaine complicité dans la relation.

Ensuite, le fait de mesurer sa glycémie avant et après l’acte permet de gérer au mieux pour éviter des hyper- ou hypoglycémies.

Une bonne hygiène de vie est nécessaire pour allier diabète et sexualité de la meilleure manière. Notamment, le tabac, l’alcool et l’hyperglycémie, ne font pas bon ménage avec le sexe. Enfin, quels que soient les troubles, des solutions médicamenteuses existent pour les femmes et les hommes, et permettent une prise en charge.

La pompe, un obstacle à la vie sexuelle ?

Au-delà des problèmes liés à la sexualité, le port d’une pompe à insuline peut représenter un obstacle à la vie sexuelle chez certains patients. L’appareil peut paraître encombrant, gênant physiquement ou visuellement, et certains doutent de la possibilité de pouvoir l’enlever pendant les rapports.

Pourtant, il est tout à fait possible de débrancher temporairement la pompe (sauf pour les pompes patch qui ne peuvent être retirées) pour ne pas être gêné, et de la rebrancher ensuite. Il s’agit alors de bien surveiller sa glycémie avant et après l’acte pour pouvoir préparer son organisme ou rectifier sa glycémie. En cas d’hypoglycémie, il sera nécessaire de se resucrer avant. Certains patients utilisent un bouchon ou même un pansement pour obstruer le cathéter de la pompe.

Un porteur de pompe témoigne : “ La planification n’est pas toujours facile lorsqu’on essaie d’être spontané et de profiter du moment. Si je commence à avoir une tendance à la baisse, je sais qu’avant de pouvoir vraiment profiter du moment, je ferais mieux de prendre un verre de jus ou des bonbons […]. Une fois que je sais que ma glycémie est dans une fourchette confortable, la question de savoir quoi faire avec ma pompe vient ensuite. Pour moi, la solution simple a toujours été de simplement déconnecter. Parce que soyons honnêtes, je veux m’assurer que ma pompe à insuline est l’une des dernières choses auxquelles je pense dans ces moments. »

Aline fait part de son expérience avec son mari, elle explique que son cathéter n’a jamais été arraché. Alexandre, Charlotte et Margaux se sont également exprimés sur ce sujet qui suscite des craintes chez certains patients mais eux sont assez à l’aise avec leur pompe dans l’intimité.

Pour André Corman, « Aujourd’hui on est plus habitués à allier la gestion d’une machine et sa sexualité. Le même problème se pose par exemple dans le cadre des apnées du sommeil. On sait qu’en cas de débranchement de la pompe il faut contrôler la glycémie avant et après un rapport, et qu’il ne faut pas l’enlever plus d’une heure. »

Bien évidemment, toute décision de déconnexion de la pompe devrait au préalable être discutée avec un médecin. Et d’autres personnes préfèreront la conserver : ce choix dépend de la personne et de sa santé. Certains préfèrent déconnecter la pompe pendant leurs ébats par peur d’accrocher le fil ou de gêner leur partenaire, tandis que d’autres la gardent sur eux en tout temps.

Par ailleurs, les patients qui portent une pompe ont la possibilité de discuter des questions techniques avec les prestataires de santé avec qui ils font le point régulièrement. Lors de ces entretiens, des solutions peuvent être abordées pour mieux vivre avec sa pompe.

« C’est là où nous faisons les plus grands progrès : c’est avec la technologie » estime André Corman. « On a de plus en plus d’appareils technologiques qui améliorent la vie des patients. Il ne faut pas vivre la machine comme un obstacle, il faut si possible l’intégrer et en faire un atout. »

Note : cet article a été réalisé en collaboration avec André Corman, Médecin Sexologue et Andrologue à Toulouse.

Sources :
1. Impuissance et diabète, des solutions existent. Revue Equilibre 309, pages 12 et 13.
2. La sexualité, pas que pour les hommes ! Revue Equilibre 311, pages 12 et 13.
3. Les troubles sexuels féminins dans le diabète de type 1. Diabetes Voice. Lien : https://diabetesvoice.org/fr/nouvelles-en-bref/les-troubles-sexuels-feminins-dans-le-diabete-de-type-1/
4. American Diabetes Association(2014). Your Sex Life with Diabetes.
5. Diabete Uk (2019). Sex and Insulin Pumps.

A lire aussi :

Entretien avec Isabelle Chanoine : l’impact du diabète sur la sexualité des femmes

Complications du diabète : des répercutions sur la sexualité