L’estime de soi conditionne-t-elle l’acceptation d’une pompe à insuline ?

D’un point de vue médical, les avantages des pompes à insuline sont nombreux dans le contexte du diabète de type 1. Pourtant, l’acceptation de ce dispositif chez les patients est très inégale, et certains y sont totalement réticents. Entretien avec Inès Aaron-Popelier, psychologue-clinicienne, et Marc Popelier, diabétologue.

Comment définir l’estime de soi ?

Inès Aaron-Popelier : En psychopathologie ou en psychanalyse, l’estime de soi correspond au « bon narcissisme ». On peut voir cela comme un socle, qui implique l’image que l’on a de soi, et qui se base sur la façon dont on est regardé, ou que l’on imagine être regardé, et qui dépend de la manière dont on se considère et comment on se définit. L’estime de soi implique le corps, le regard, l’image de soi, et est affectée en cas de maladie chronique comme le diabète. La maladie joue sur la manière dont on se définit et on se voit.

Comment décrire l’impact du diabète, et des dispositifs médicaux liés, comme les pompes à insuline, sur l’estime de soi ?

Marc Popelier : Le diabète malmène l’estime de soi, car la personne avec un diabète de type 1est confrontée à la difficulté de prévoir les variations des glycémies, ce qui peut donner le sentiment d’être en échec. Le traitement est complexe. En théorie, la pompe à insuline permet de mieux maitriser l’instabilité des glycémies, et pourrait avoir un impact positif sur l’estime de soi. Ou est-ce parce que l’on a une suffisamment bonne estime de soi que l’on accepte d’essayer une pompe à insuline? Elle reste un outil, parfois une bonne réponse technique à un déséquilibre des glycémies, et elle peut améliorer plusieurs aspects de la qualité de vie.

Inès Aaron-Popelier : Finalement, la maladie ou le port de dispositifs médicaux embarqués n’ont pas forcément d’impacts sur l’estime de soi. C’est plutôt l’estime de soi qui détermine comment on va vivre l’arrivée d’une maladie ou le port de matériel médical. Quelqu’un qui assume complètement son diabète, son corps, n’a a priori pas de raison d’avoir de problèmes avec le fait de porter une pompe à insuline. Il faut en fait se demander comment l’estime de soi implique ce que l’on peut supporter et accepter dans sa maladie. Chez les patients, la manière dont ils acceptent la maladie, et donc la façon dont ils acceptent le dispositif, est fonction de la façon dont ils se voient eux-mêmes.

Est-ce donc l’estime de soi qui conditionne l’acceptation de la pompe à insuline ?

Marc Popelier : pourquoi certains patients sont demandeurs d’une pompe alors que d’autres sont réticents ? De mon point de vue de praticien, il est difficile de complètement prédire l’acceptabilité de la pompe. Le mieux reste de l’essayer en cas de doute ! Certains sont réticents, parce que la pompe peut engendrer une gêne, un encombrement ; c’est un objet externalisé que l’on promène partout avec soi. Certains craignent d’arracher le système. La pompe est alors vécue comme une contrainte. De plus elle matérialise l’existence de la maladie, en la rendant visible, 24h/24. Pour d’autres, c’est une libération, un affranchissement des piqûres multi-quotidiennes, une façon d’avoir « tout le matériel embarqué avec soi », une forme de modernité comparée aux « piqûres », et la satisfaction de pourvoir mieux maitriser l’équilibre du diabète… c’est donc extrêmement hétérogène. Chez les personnes diabétiques, l’aptitude à intégrer et accepter la maladie et ses contraintes conditionne grandement la manière dont la personne va se prendre en main. Le choix d’une pompe ou son rejet s’intègre dans cette problématique.

Comment accompagner les patients qui souhaiteraient utiliser une pompe à insuline ?

Inès Aaron-Popelier : Quand on travaille avec des personnes diabétiques, on va essayer de repérer ce qu’elles ont mis en place pour s’adapter à la situation, et on regarde comment on pourrait travailler avec elles pour leur apporter plus de liberté. Cela commence donc par de l’observation. Une fois que l’on a identifié des stratégies, on peut soit les renforcer, les valoriser, soit revoir comment les patients pourraient mieux vivre avec leur maladie. À mon sens on peut travailler sur l’estime de soi des patients pour faciliter l’acceptation des pompes.

Marc Popelier : Une pompe a donc des avantages et des inconvénients. Il faut en discuter avec les patients, et essayer de comprendre ce qu’ils en savent, connaitre leurs représentations et leurs idées reçues sur le sujet. Nous proposons donc un accompagnement en pesant avec eux le pour et le contre. Aujourd’hui on connaît en tout cas une amélioration des dispositifs. Les pompes sont plus petites, il y a des modèles patchs, qui ne sont plus reliés à un fil (à la patte). Et ce n’est pas rien car on gagne en discrétion et donc en « normalité ». On voit également l’arrivée de pompes connectées à des capteurs de glucose interstitiel, qui permettront une gestion semi-automatique des doses d’insuline et devraient libérer une partie de la charge mentale.

 

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