Entretien avec Sylvie Picard : concilier diabète et vie étudiante

Quelles sont les spécificités d’une vie étudiante lorsque l’on est diabétique ? Comment gérer au mieux son diabète et sa vie quotidienne à l’université ? Réponses de Sylvie Picard, Endocrino-diabétologue à Dijon.

L’apparition du diabète de type 1 est-elle fréquente à l’adolescence ou au début de l’âge adulte ?

Sylvie Picard : Le diabète se déclenche effectivement parfois durant les années de l’adolescence. Cette période est souvent assez compliquée et le diabète va la compliquer encore davantage ! Un stress peut notamment accélérer l’apparition du diabète : quand on est stressé, le corps fabrique – entre autres – de l’adrénaline, qui empêche l’insuline d’agir. En cas de diabète de type 1, qui concerne la majorité des enfants, adolescents et jeunes adultes, en tout cas en France, le pancréas ne va pas pouvoir faire face à cette demande supplémentaire en insuline et la situation peut vite basculer.

On détecte l’apparition d’un diabète grâce à différents signes : essentiellement la fatigue, l’amaigrissement, la soif, et l’envie d’uriner. Et les signes évoluent d’autant plus vite qu’une personne est jeune. En cas de troubles, il faut donc se tourner très rapidement vers son médecin généraliste, qui pourra prescrire les examens à faire et orienter la personne. Le plus souvent, c’est le médecin généraliste qui détecte la maladie. Les jeunes sont ensuite fréquemment orientés vers l’hôpital pour une prise en charge car les choses peuvent aller très vite et déboucher parfois sur un coma diabétique.

En période d’examens, que recommandez-vous ?

SP : Dans ces périodes, il faut avoir la vie la plus saine possible, bien anticiper les choses, et se surveiller. Il faut savoir que si la crainte majeure est généralement l’hypoglycémie, l’hyperglycémie n’est pas bonne non plus car le cerveau n’est pas « prévu » pour fonctionner avec des glycémies très élevées. Et en cas d’hyperglycémie, l’étudiant(e) ne sera pas au mieux de ses capacités.

Un des piliers majeurs de la bonne hygiène de vie est l’alimentation. Tout le monde devrait manger comme une personne diabétique mange, c’est-à-dire de manière équilibrée. Et il faut conserver cet équilibre même pendant les examens ! Si le budget est limité, le pain, le riz, les pâtes, les pommes de terre, qui sont des aliments de base dans l’alimentation, sont abordables et bien appropriés. Il faut prendre des produits très basiques (yaourts natures par exemple), qui sont moins chers et plus adaptés pour une alimentation saine.

Avant la période d’examens, il faut penser à demander si besoin un certificat auprès de son médecin pour bénéficier d’un peu plus de temps durant les épreuves (c’est le tiers-temps). Il faut avoir de quoi manger pendant les épreuves, et si possible des aliments purement sucrés.

Concernant la surveillance de la glycémie, aujourd’hui la quasi-totalité des jeunes avec un diabète de type 1 utilisent la mesure du glucose en continu avec le FreeStyle Libre, donc cela facilite le contrôle et permet de savoir à tout moment à quel niveau se situe la glycémie. En cas de stress, comme pendant une épreuve, il faut adopter une surveillance plus fréquente car la production d’adrénaline peut faire monter la glycémie. Avec le FreeStyle Libre, une chose à laquelle il faut bien faire attention est que parfois les téléphones sont interdits pendant un examen, il faut donc prendre soin de démarrer le capteur avant l’examen avec le lecteur.

Comment gérer la consommation d’alcool lorsque l’on participe aux soirées étudiantes ?

SP : Il est tout à fait possible de consommer de l’alcool en soirée lorsque l’on est diabétique, mais avec modération ! Et surtout, il ne faut pas boire simplement pour faire plaisir aux autres ! L’alcool peut augmenter le risque d’hyperglycémies, ainsi que les risques d’hypoglycémies car durant les soirées la tendance est souvent de peu manger. En cas d’hypoglycémie, le foie produit habituellement du sucre pour en limiter l’importance. Quand nous consommons de l’alcool, il a comme priorité de détoxifier le sang de l’alcool et ne peut pas simultanément produire du sucre. Une hypoglycémie peut alors prendre des proportions importantes car le foie ne compense pas la baisse de sucre.

En cas d’hypoglycémie, les symptômes sont assez proches de l’état d’ébriété, des personnes non prévenues pourraient croire que la personne « ne tient pas l’alcool ». Pendant une soirée, il est donc primordial qu’au moins une personne soit au courant si un étudiant est diabétique, afin de l’aider en cas de problème.

Enfin, pendant une soirée, les hypoglycémies peuvent survenir très tardivement, même pendant la nuit suivante, il faut donc rester vigilant. Il n’y a pas de bon ou mauvais alcool, c’est surtout la quantité qui compte, et il est primordial de ne pas rester à jeun quand on en consomme.

Est-il possible de faire des voyages d’études ?

SP : Oui, mais il faut préparer cela avec son diabétologue. Dans certains pays, cela peut poser problème pour se procurer de l’insuline, et il est souvent conseillé d’identifier un professionnel sur place. Pour des voyages relativement courts, les étudiants parviennent à partir avec assez d’insuline, ou se réapprovisionnent durant les vacances quand ils rentrent en famille. Mais pour des séjours plus longs en dehors du territoire, il est parfois difficile de s’en procurer. Aux États-Unis notamment, l’insuline est parfois largement 10 fois plus onéreuse qu’en France.

Pour les personnes qui portent une pompe à insuline, il y a une autre difficulté : les prestataires n’ont pas le droit d’envoyer le matériel à l’étranger, il incombe donc aux proches de le faire. En Europe il n’y a habituellement pas de problèmes, mais dans certains pays comme en Asie c’est parfois très compliqué pour faire parvenir les équipements.

Concernant la pompe à insuline justement, ce dispositif vous semble-t-il adapté aux étudiants ?

SP : On peut très bien équilibrer un diabète sans la pompe, mais elle donne un confort et une souplesse qu’on ne retrouve pas avec les injections. Et les étudiants n’ont pas toujours des activités régulières, des repas très réguliers, donc la pompe facilite la gestion du diabète. Plus on a une vie irrégulière et plus la pompe apporte des avantages, elle permet de s’adapter au style de vie des jeunes plutôt que l’inverse. Par ailleurs, il y a plusieurs styles d’appareils, et on peut choisir le modèle le plus adapté à ses activités, notamment sportives. Tout dépend des occupations, des goûts de chacun, et le choix doit tenir compte de tous ces éléments. Les diabétologues connaissent bien cela et peuvent guider les jeunes dans leurs choix. Dans tous les cas, les traitements actuellement à disposition permettent d’avoir une vie la plus normale possible. Simplement, il reste des contraintes dont il faut être conscient.

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