Les pompes à insuline offrent beaucoup d’avantages aux personnes diabétiques pour la gestion de leur maladie. Mais elles représentent également un signe extérieur de la maladie, et un outil à prendre en main, qui est parfois mal vécu par les patients. Selon les personnes, une pompe à insuline peut améliorer ou au contraire diminuer l’estime de soi.
Des avantages et des inconvénients
D’après les données de la médecine, les pompes à insuline offrent de nombreux avantages pour les patients atteints de diabète de type 1. Elles permettraient en effet une diminution de la fréquence des hypoglycémies sévères et de l’hémoglobine glycquée. En outre, elles offrent certaines améliorations de la qualité de vie. Une pompe permet ainsi de programmer les besoins en insuline en fonction de ses activités et des moments de la journée, avec la possibilité de se déconnecter pendant deux heures. Les injections sont moins fréquentes (le cathéter doit être changé en moyenne tous les trois jours, contre 4 piqûres par jour avec les méthodes traditionnelles), et plus discrètes. Les pompes facilitent enfin le calcul des doses d’insuline à injecter, et l’adaptation aux activités de la vie quotidienne.
Mais elles apportent aussi leur lot d’inconvénients. Notamment, elles doivent être portées en permanence, et représentent un signe extérieur visible et évident de la maladie (1). Certains témoignages, comme celui de Charlotte, illustrent bien la perception qu’ont certaines personnes qui ont essayé une pompe à insuline : « Tout de suite, la pompe m’est proposée, elle est refusée tout aussi immédiatement. Impossible pour moi d’avoir un tube accroché à moi, un élément rendant la maladie qui me tombait dessus, visible à tous ».
Bien que des modèles récents soient plus discrets, avec notamment une absence de tubulure, certains patients vivent mal le fait de porter une pompe, et cet appareil peut avoir des répercussions sur l’estime de soi.
Pompe à insuline et estime de soi
L’estime de soi est un concept de plus en plus étudié en psychologie de la santé, mais il n’existe à ce jour pas de définition qui fasse consensus. Elle recouvre beaucoup de dimensions de la vie, et dépend de facteurs objectifs et subjectifs. Certains auteurs ont décrit plusieurs caractéristiques qui permettent de mieux comprendre comment elle se construit et s’évalue chez une personne.
L’estime de soi se définit comme le rapport entre le soi réel et l’idéal de soi (ou comme le rapport entres les réussites et les prétentions). C’est un élément essentiel de notre identité, et elle est au carrefour des trois composantes du soi : comportementale, cognitive et émotionnelle. Elle se base sur une auto-évaluation qui sera d’autant plus juste que l’estime de soi est haute.
Construite au cours de l’enfance, l’estime de soi s’ajuste selon les expériences personnelles vécues et à travers l’image de soi réfléchie par les autres. C’est une dimension de notre personnalité mobile, qui se doit d’être régulièrement alimentée par le sentiment d’être aimé et le sentiment d’être compétent.
L’impact de succès ou d’échecs dans un certain domaine sur l’estime de soi dépend également de l’importance que nous accordons à ce domaine en question. L’estime de soi joue un rôle dans notre bien-être émotionnel, et participe à notre équilibre psychique.
Elle joue également un rôle majeur dans notre capacité à s’engager dans une action donnée. Ainsi, les personnes présentant une haute estime d’elles semblent plus persévérantes face aux obstacles de la vie que les autres (2).
Certaines études montrent notamment que l’estime de soi des enfants diabétiques peut être altérée par la maladie. « Grandir avec une maladie chronique n’est pas facile, c’est un défi pour la construction de l’identité, pour l’établissement et le maintien des capacités relationnelles et pour la solidité de l’estime de soi », soulignent L. Geoffroy et M. Gonthier, dans le livre « Le diabète chez l’enfant et l’adolescent ». Ces auteurs notent chez certains enfants, diabétiques depuis longtemps, que des moments dépressifs, des appauvrissements de l’estime de soi, et des blessures affectives peuvent émerger. Chez ces enfants, la maladie impacte profondément leur identité. Ils finissent par se définir avec la maladie, non plus comme enfants, mais comme « enfants diabétiques ». (3)
Chez l’adulte, la maladie peut également être vécue difficilement et affecter l’estime de soi. Notamment en raison des complications qui y sont liées (avec parfois une rétinopathie et ses conséquences sur l’autonomie, avec également des accidents cardiaques…). Le diabète perturbe également les relations sociales d’une personne. L’impact du diabète sera d’autant plus fort que l’estime de soi d’une personne est faible.
À l’inverse, certains patients décrivent une corrélation positive entre le diabète et l’estime de soi. Des réussites dans certains comportements de gestion de la maladie, se traduisant par des résultats positifs sur le diabète, entraînent chez ces patients un renforcement de l’estime de soi.
Les dispositifs médicaux liés au diabète, dont les pompes à insuline, jouent également un rôle dans le vécu des patients. Une étude publiée en 2016 montre ainsi que les pompes améliorent significativement la qualité de vie des personnes qui en portent, en termes d’estime de soi, de diminution du stress, et de la gestion de l’humeur. Cela se traduit chez les patients par une meilleure santé physique, plus de flexibilité pour les repas, et plus de facilités dans les déplacements. L’étude montre également que cela bénéficie aux personnes diabétiques dans leurs activités sociales et récréatives. (4)
Sans pompes à insuline, les patients doivent pratiquer régulièrement des injections, à des moments précis, et des doses précises. Ce qui représente une nuisance importante qui impacte la qualité de vie. Les pompes sont vouées à résoudre ce problème, en conférant aux personnes diabétiques un moyen de gérer plus facilement les injections d’insuline. (4)
Une étude menée chez des femmes atteintes du diabète, et visant à déterminer les impacts d’une pompe sur l’image corporelle et l’estime de soi, montre que selon les personnes le port d’une pompe a des conséquences variables. Ainsi, certaines femmes sont négativement impactées et la pompe à insuline a tendance à diminuer leur estime d’elles-mêmes. À l’inverse, d’autres personnes trouvent dans ce dispositif un moyen de se prendre en main, de gérer leur maladie, et le port d’une pompe impacte dans ce cas positivement l’estime de soi. (5)
Des ressentis différents selon les patients
L’utilisation d’une pompe à insuline peut donc engendrer différents ressentis selon les patients. Pour certains, le fait de porter ce dispositif est un problème, parce qu’il représente un encombrement, ou parce qu’elle est visible. Certaines personnes imaginent parfois également que la pompe permet de gérer les opérations à réaliser de manière automatique. En réalité, ce n’est qu’un outil au service du patient, facilitant la prise en charge de la maladie, mais ne remplaçant pas certaines tâches manuelles. Dans certains cas, la pompe est l’incarnation physique et visible de la maladie, rendant permanente son existence, là où les injections ponctuelles permettent parfois d’éviter de penser au diabète à tout instant.
Chez d’autres personnes, le ressenti est inversé. La pompe est une véritable libération, qui leur permet de bien prendre en charge le diabète, de bien gérer la maladie. Chez ces personnes, elle est considérée comme un outil leur permettant de jouer un rôle actif dans la gestion de leur maladie, et de se prendre en main.
Ces dernières années, les modèles de type patchs ont permis de rendre les pompes à insuline plus discrètes. Celles-ci permettent de limiter l’aspect “visible” de la maladie. En outre, de nouvelles pompes fonctionnant sur le principe d’objets connectés, permettent une gestion des doses plus faciles et sont plus automatisées, ce qui permet plus de confort pour les personnes qui portent de telles pompes.
Quel que soit le dispositif et les bénéfices au quotidien d’une pompe à insuline, le vécu de chaque patient est différent. Et les implications sur l’estime de soi seront positives ou négatives selon les cas. Globalement, on estime qu’une majorité de patients se sentent aidés par le port d’une pompe, et que la plupart ressentent une amélioration de leur qualité de vie. Dans tous les cas, le port de la pompe reste une décision personnelle, qui appartient au patient en accord avec le médecin. Souvent, ce sont les patients qui en font la demande.
Sources :
1. Site web : « La pompe à insuline, parlons-en ! »
2. Thèse : L’abord de l’estime de soi lors de l’accompagnement thérapeutique des patients diabétiques de type 2 : étude qualitative auprès des patients. Auteur : Jennyfer Malnou. Date : 2017. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01615545/document
3. Thèse : Le traitement par pompe à insuline externe en ambulatoire : analyse rétrospective sur 101 patients diabétiques de la région lorraine, suivis un an avant et cinq ans après l’initiation de cette thérapie intensive. Auteur : Hélène Schwaller-Vollot. Date : 2018. https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01733482/document
4. Étude : Impact of insulin pump on quality of life of diabetic patients. Indian J Endocrinol Metab. 2016. Haider Ghazanfar, Syed Wajih Rizvi,1 Aliya Khurram, Fizza Orooj, and Iman Qaiser. Étude utilisée dans cet article pour cerner l’impact des pompes à insuline sur l’estime de soi. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4911840/
5. Étude : Injecting Insulin and Pursuing Pumps: The Effects of Insulin Pump Usage on Female SelfEsteem and Body Image. Auteur : Cara Kovacs. Date : 2012. https://ufdc.ufl.edu/AA00059824/00001
6. Article : Pompe patch : l’absence de fil change tout ? https://diabetelab.federationdesdiabetiques.org/pompe-patch-fil/
7. Article : Résultats d’étude : des utilisateurs de pompes à insuline heureux ? https://diabetelab.federationdesdiabetiques.org/etude-pompe-insuline-heureux/
A lire aussi : L’estime de soi conditionne-t-elle l’acceptation d’une pompe à insuline ?