Entretien avec Isabelle Chanoine : l’impact du diabète sur la sexualité des femmes

Isabelle Chanoine est sage femme à l’hôpital Joseph Ducuing, et termine actuellement un Diplôme inter-universitaire d’études de la sexualité humaine. Pour son travail de mémoire, elle a étudié l’impact du diabète sur la sexualité chez les femmes.

Pourquoi parle-t-on peu des impacts du diabète sur la sexualité féminine ?

Isabelle Chanoine : Ce sujet n’est pas forcément très médiatisé. Pour les femmes, en matière de médicaments, il n’y a pas de solutions comme pour les hommes avec le VIAGRA. Il n’y a donc pas non plus de groupes pharmaceutiques faisant la publicité de tels ou tels produits par exemple, malgré l’existence de certaines solutions. Par ailleurs, chez les hommes, lorsqu’il n’y a pas d’érection, cela se voit, pour les femmes c’est plus insidieux ou subjectif.

Que savons-nous aujourd’hui ?

IC : Chez les femmes, le diabète peut entraîner des problèmes de lubrification, qui peuvent entraîner à leur tour des douleurs dans les rapports. Cela est lié à des complications angiopathiques (vasculaires) et nerveuses. On constate également des infections génito-urinaires à répétition, liées à un déséquilibre glycémique. Par ailleurs, avec une maladie chronique, il y a une plus grande occurrence de dépressions, et cela impacte la sexualité sur tous les aspects (désir, excitation, orgasme, lubrification, douleur, satisfaction…).

Autant chez les hommes les conséquences du diabète sur la sexualité sont faciles à déceler, autant chez les femmes il est plus difficile de définir si les troubles sont liés au diabète, si il y a vraiment des troubles sexuels ou non. Par ailleurs, comme les médecins sont moins à l’aise avec ces problèmes, ils abordent moins ces questions avec les femmes. Ils ne savent pas vers qui orienter, il y a donc un biais pour identifier les troubles des patientes. Pour les hommes on sait facilement vers qui orienter, il est plus facile de questionner les patients.

Avons-nous des chiffres pour illustrer cela ?

IC : Dans une précédente étude que j’ai mené, j’ai interrogé des femmes diabétiques et non-diabétiques. Les résultats révèlent que 47% des patientes pensent que la maladie impacte leur sexualité, et seules 18% en ont parlé en consultation. Sur ces 18%, 11% en ont parlé spontanément, donc sans questions de la part des médecins. On pourrait donc facilement travailler avec les médecins pour améliorer cela.

Quels peuvent être les impacts de la maladie sur le désir sexuel ?

IC : Les femmes rapportent beaucoup de troubles du désir, liés à une forme de charge mentale (surveillance de la glycémie, gestion de la pompe) mais aussi liés aux hyperglycémies, et des dyspareunies (douleurs liées aux mycoses, problèmes de lubrification). Certaines personnes ont peur d’avoir des rapports, par crainte de faire des hypoglycémies, ou de l’apparition de mycoses, et donc diminuent leurs activités sexuelles.

Un autre problème que l’on rencontre chez les femmes concerne la contraception. Les femmes diabétiques ont des difficultés à trouver des moyens contraceptifs : ceux utilisants des oestrogènes sont parfois contre-indiqués. Cependant cela n’est pas toujours vrai. Notamment on peut proposer des oestrogènes quand il n’y a pas de complications, mais il y a souvent des craintes de la part des médecins pour en prescrire, avec fréquemment un manque de communication entre gynécologue et diabétologue. Nous aurions besoin d’une meilleure communication entre les différents spécialistes, pour que les informations sur ce qu’il est possible de prescrire circulent plus facilement.

Quels sont les problèmes spécifiques liés au port de la pompe à insuline ?

IC : Concernant la pompe à insuline, s’il y a une crainte d’accrocher la pompe durant les rapports, il est possible de la retirer pendant une heure environ. Si on garde la pompe, il faut faire attention à ne pas faire d’hypoglycémies, comme lors d’une séance de sport. Il est en tout cas conseillé de faire des contrôles avant et après les rapports sexuels. Une étude faite en Israël montre que moins de 20% des diabétiques contrôlent leur glycémie après les rapports, 97% enlèvent la pompe avant un rapport, et 27% oublient de la remettre ensuite.

Avec les pompes il peut y avoir une appréhension de la part du partenaire également. Donc un travail sur l’acceptation pourrait permettre de faciliter les choses, en faisant de l’éducation thérapeutique. C’est quelque chose qui a fonctionné dans le cadre des appareils utilisés pour les apnées du sommeil : quand le partenaire comprend l’impact positif de la machine sur la qualité de vie, l’impact sur la sexualité est bien moindre.

Enfin, la pompe engendre beaucoup de questionnements : comment ne pas être gêné pendant un rapport avec, est-on aussi sexy avec, etc. Il existe des ceintures en tissu pour placer la pompe dedans, on peut garder un T-shirt ou une nuisette pendant un rapport, il existe des accessoires qui permettent de mieux vivre sa sexualité avec la pompe… certaines solutions sont évoquées sur les forum des associations, et les patientes échangent entre elles sur ces questions. Ce genre d’idées ou de dispositifs peuvent beaucoup aider pour allier sexualité et diabète lorsque l’on porte une pompe à insuline.

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