Boucle fermée hybride de l’initiation à l’autonomisation : entretien avec le Dr Sylvie Picard

Dossier 2025
Boucle fermée hybride de l’initiation à l’autonomisation

 « Toute personne avec un diabète de type 1 peut prétendre à une boucle fermée hybride ! »

Présidente du CIRDIA (Centre interrégional d’insulinothérapie automatisée), centre multisites proposant des initiations à la boucle fermée hybride, notamment en dehors de l’hôpital, Sylvie Picard est endocrinologue-diabétologue à Dijon. Elle revient sur les conditions, les étapes et le suivi de la mise reoute d’une boucle fermée hybride.

Quels sont les principaux avantages et inconvénients de la boucle fermée hybride?

La boucle fermée hybride automatise le débit de base et, selon les systèmes, les bolus de correction. Le patient doit toutefois continuer à annoncer ses repas et ses activités physiques. Les bénéfices sont considérables : les patients retrouvent des nuits calmes, ce qui est bouleversant pour ceux qui vivent avec un diabète de type 1 depuis longtemps et n’avaient jamais connu un sommeil normal. Ils se couchent avec une glycémie correcte et se réveillent dans la cible, sans risque d’hypoglycémie sévère. Cela apporte une grande sérénité, améliore l’équilibre glycémique et diminue la charge mentale.

L’inconvénient majeur reste la gestion de l’activité physique qui reste délicate, surtout quand elle est intense ou imprévue. Si les repas ne sont pas annoncés, la glycémie monte, le système corrige, et cela entraîne ensuite une hypoglycémie retardée. Il faut donc apprendre à anticiper.

Qui peut bénéficier d’une boucle fermée hybride ? Y a-t-il des contre-indications ?

Aujourd’hui, toute personne vivant avec un diabète de type 1 peut prétendre à un système de boucle fermée hybride , parfois dès l’âge de 2 ans selon les dispositifs. Il n’y a pas de limite d’âge supérieur. La seule contre-indication médicale est une rétinopathie évolutive. La normalisation rapide de la glycémie peut fragiliser un œil déjà atteint. C’est pourquoi je demande systématiquement un fond d’œil de moins de six mois avant de mettre en place une boucle fermée. Si une rétinopathie est diagnostiquée, la surveillance ophtalmologique doit être renforcée dans les mois qui suivent.

Comment se déroule l’initiation ?

Tout commence par une consultation d’information où nous discutons des différents systèmes. Le choix est toujours partagé avec le patient, après avoir passé en revue avantages, inconvénients et compatibilités techniques.

Ensuite, nous faisons une demande d’entente préalable à l’Assurance maladie. Si elle n’est pas refusée dans les 15 jours, elle est considérée comme acceptée. Les recommandations ont évolué : auparavant, il fallait que l’utilisateur soit déjà porteur d’une pompe pendant au moins 6 mois avant d’être éligible à la boucle fermée hybride. Aujourd’hui, ce n’est plus toujours requis. Certains patients peuvent passer directement de multi-injections à la boucle fermée, mais selon les cas, nous faisons la transition en deux temps : pompe d’abord, puis boucle fermée quelques semaines plus tard.

Concrètement, l’installation varie selon les systèmes : certains nécessitent une période en boucle ouverte pour que l’algorithme « apprenne », d’autres permettent de fermer la boucle immédiatement. La formation technique est souvent réalisée par le prestataire de santé (à la différence des services hospitaliers où la formation est souvent effectuée à l’hôpital). Puis je revois le patient en consultation d’une heure pour activer la boucle et ajuster les paramètres et surtout évoquer avec la personne les différences de gestion des hypoglycémies et hyperglycémies par rapport à la boucle « ouverte ».

Peut-on choisir son système ou c’est vous qui décidez ?

Le choix dépend à la fois des préférences du patient et de contraintes médicales ou techniques. Certains veulent absolument une pompe patch, d’autres préfèrent une pompe filaire. Mais il faut aussi tenir compte de la consommation d’insuline : au-delà de 60 unités par jour, les pompes patch ne sont pas adaptées car il faudrait les changer trop souvent.

L’environnement compte aussi : certains systèmes nécessitent un smartphone compatible, ce qui peut poser problème pour des écoliers ou des collégiens, ou dans un environnement professionnel dans lequel l’usage du téléphone est interdit. Il faut également vérifier les capacités manuelles des patients, car changer un cathéter ou remplir un réservoir peut être difficile en cas de troubles musculo-squelettiques. Or, ceux-ci concernent 1 malade sur 2 au bout de 20 ans de diabète. En pratique, le choix reste une décision médicale partagée et on s’engage pour quatre ans avec un système, sauf situation médicale particulière comme une grossesse.

Cela nécessite -t-il un changement d’insuline ?

La plupart des systèmes ont été validés avec des insulines rapides. Cela étant, comme pour beaucoup de mes patients qui ont une insuline ultra rapide avant de passer à la boucle fermée hybride, il est possible de la conserver. Nous avons des études qui montrent que les résultats sont tous bons. D’après mon expérience, cela permet d’améliorer la gestion des repas, et donc personnellement, je ne demande pas de changer. Cependant, certaines insulines sont incompatibles avec certains modèles de pompe.

Retrouvez ici les recommandations de la Société Francophone du Diabète pour en savoir plus.

 

Combien de temps dure cette phase d’initiation ?

Cela dépend vraiment des patients. Le plus souvent, il y a un délai avec la pompe à insuline en boucle « ouverte » puis passage en boucle fermée mais j’ai un patient qui est passé directement des muti-injections par stylo à la BFH. On fait la formation et la pose du cpateur le matin, et la mise en place de la boucle l’après-midi. Et le soir, il était totalement autonome. Donc cela peut aller vite, et cela se passe très bien en ambulatoire, sans hospitalisation.

 

Qu’en est-il de l’éducation thérapeutique, une fois la boule fermée ?

Elle est indispensable mais peut être adaptée au patient. L’idéal reste de savoir compter précisément les glucides, mais certains patients n’y arrivent pas ou ne veulent pas. Dans ce cas, nous simplifions en définissant trois niveaux : repas léger, moyen ou copieux, avec des quantités de glucides approximatives. L’algorithme corrige ensuite les écarts. Le but est d’éviter des pics trop élevés après les repas, car les hyperglycémies tardives sont généralement bien corrigées par le système.

Quel suivi après la mise en place ?

Le suivi est très rapproché au début : une semaine après, puis un mois, trois mois, six mois et un an. Souvent, nous utilisons la téléconsultation, à condition que les données remontent correctement. Ce suivi permet d’optimiser les réglages, de vérifier l’utilisation du système et de répondre aux problèmes pratiques : capteur qui se décolle, difficultés de connexion, gestion des mises à jour des logiciels…

Au-delà des aspects techniques, les consultations changent profondément. Comme le diabète est mieux équilibré, nous pouvons consacrer plus de temps à d’autres aspects de la santé du patient : tension, reins, cœur mais aussi vie quotidienne.

Si la boucle fermée ne convient pas au patient, peut-on revenir en arrière ?

Oui tout à fait ! Un patient peut revenir aux multi-injections au stylo ou à une pompe classique, mais il faut au moins trois mois pour juger objectivement de l’efficacité de la boucle fermée. Souvent, quand le système ne fonctionne pas comme prévu, il s’agit en réalité d’erreurs d’utilisation : bolus annoncés trop tardivement, absence d’annonce de repas, corrections excessives… C’est alors notre rôle de décrypter les données pour comprendre ce qui se passe et aider le patient à améliorer sa pratique. En pratique, il est tout à fait exceptionnel de revenir en arrière.

L’initiation à la boucle fermée hybride : ce qu’il faut retenir

  • Indications : diabète de type 1 à partir de 2 ans (selon systèmes), objectif glycémique non atteint malgré une insulinothérapie optimisée, variabilité glycémique importante, charge mentale élevée.
  • Avantages : amélioration du temps passé dans la cible, réduction des hypoglycémies, meilleure qualité de sommeil, diminution du fardeau quotidien.
  • Contraintes : annoncer les repas et l’activité physique, accepter les alarmes (qu’on limite le plus possible), disposer d’un matériel compatible (téléphone, pompe, capteur).
  • Les 3 étapes clés :

1. Préparation : choix du système, vérification médicale (fond d’œil, indications), installation du matériel.

2. Éducation thérapeutique : comprendre l’algorithme, apprendre à réagir aux hypo/hyperglycémies, gérer les imprévus.

3. Suivi : consultations à 1 semaine, 1 mois, 3 mois, 6 mois, puis une fois par an (adultes) ou tous les 3 mois (enfants).

  • Acteurs impliqués : diabétologue prescripteur, centre initiateur, prestataire de santé.

 

Pour en savoir plus :

Crédit photo : ©Julia Amaral