Voyage et boucle fermée hybride : entretien avec le Dr Jean-Baptiste Julla

Dossier 2025
Voyage et boucle fermée hybride

Voyager avec une boucle fermée hybride : les conseils d’un diabétologue
Que l’on soit déjà équipé d’un système de boucle fermée hybride (BFH) ou que l’on envisage d’y passer, organiser un voyage – en France ou à l’étranger – soulève des interrogations bien légitimes. Faut-il modifier ses réglages ? Comment transporter son matériel ? Puis-je passer les portiques de sécurité ? Et en cas de souci, qui contacter ? Pour y voir plus clair, nous avons interrogé le Dr Jean-Baptiste Julla, endocrinologue au Centre Universitaire du Diabète et de ses Complications (CUDC) de l’hôpital Lariboisière.

 

Faut-il consulter son diabétologue ou son prestataire de santé avant un départ en voyage, lorsqu’on est sous boucle fermée hybride ?
Cela dépend surtout de la durée et de la destination, et ce n’est pas uniquement lié au fait d’être sous boucle fermée hybride. Si le séjour est court, moins d’une ou deux semaines par exemple, et à proximité, ce n’est pas forcément nécessaire. Mais si l’on part plus de deux semaines, ou dans un pays étranger, il peut être utile d’échanger avec son prestataire de santé et, si possible, avec son diabétologue lors du rendez-vous de contrôle précédant le départ en voyage. Cela permet d’anticiper certains besoins ou points de vigilance particuliers.

Il est notamment important de se renseigner sur la délivrance d’insuline à destination : faut-il une ordonnance, quel est le coût, comment cela se passe sur place ? Les sites officiels, comme ceux des sociétés savantes locales ou des autorités de santé, sont les plus fiables. Les forums de patients et les réseaux sociaux peuvent aussi fournir des retours d’expérience utiles, mais doivent être consultés avec discernement, car les informations partagées ne sont pas toujours vérifiées . Croiser les sources permet d’avoir une vision plus complète et fiable de la situation sur place.

Quels sont les documents à emporter avec soi ?
L’ordonnance est indispensable, traduite si possible. Il est aussi utile d’avoir une carte de diabétique dans plusieurs langues, à garder sur soi. Un certificat de voyage peut être délivré par l’hôpital ou le médecin, pour justifier le transport de matériel médical en cabine, notamment à l’aéroport.

Quel matériel doit-on emporter ?
Il faut emporter tout le nécessaire pour gérer son diabète avec sa boucle fermée hybride, mais aussi ses : Pods, cathéters, capteurs, lecteur de glycémie, insuline, stylos, chargeurs, piles si besoin. Le plus important est de prévoir une autonomie de trois jours dans son bagage à main, en cas de perte de valise. Et si l’on voyage à plusieurs, mieux vaut répartir le matériel entre différentes valises, en soute et cabine si l’on prend l’avion, notamment pour l’insuline et les consommables. Si une valise se perd, vous pourrez compter sur les stocks placés dans les autres.

Doit-on signaler qu’on porte une boucle fermée hybride à l’aéroport ?
Ce n’est pas obligatoire et il n’y a pas de contre-indication à passer sous le portique de sécurité avec. En revanche, si un scanner corporel est utilisé, il vaut mieux demander une fouille manuelle.

Y a-t-il des précautions particulières pour les pompes patch ?
Quand on voyage en avion, certaines recommandations de fabricants suggèrent de suspendre temporairement l’administration d’insuline au moment du décollage ou de l’atterrissage, en raison de variations de pression pouvant perturber la délivrance automatisée de l’insuline. Personnellement, je ne le recommande pas systématiquement, car c’est un phénomène assez minime. Mais il faut surveiller sa glycémie après ces phases de vol, car cela peut favoriser une hypoglycémie, ce qui n’est jamais agréable lorsqu’on arrive à destination.

Faut-il modifier les réglages de la boucle fermée en cas de décalage horaire ?
Non. Les dispositifs de boucle fermée hybride se mettent à l’heure automatiquement. Le plus simple est je pense de ne rien modifier manuellement. Le débit de base est programmé heure par heure : il s’adapte automatiquement à l’horaire local. Il vaut mieux garder ses habitudes plutôt que de risquer une erreur en voulant tout recalibrer.

Avant un vol, faut-il désactiver certaines fonctions de la pompe ?
Certains fabricants recommandent de désactiver le mode boucle pour économiser la batterie. Mais ce n’est pas indispensable. On peut activer le mode avion de la pompe tout en gardant le Bluetooth si on a une pompe patch. Et rassurez-vous, cela ne présente aucun risque pour la sécurité du vol.

Comment conserver l’insuline pendant le voyage ?
Il faut garder l’insuline avec soi, dans une pochette réfrigérée si possible, surtout si le vol est long. Une fois sur place, elle peut être stockée au réfrigérateur, mais il faut anticiper les trajets entre deux logements ou hôtels. Pour un long séjour, se réapprovisionner sur place peut être plus pratique, à condition de bien se renseigner avant sur la disponibilité et le coût de l’insuline. Aux Etats-Unis, son prix est plus de 10 fois supérieur à celui affiché en France. Certaines assurances santé ou mutuelles prennent en charge les frais liés à l’achat sur place, sous conditions. Encore une fois, se renseigner avant de partir permet d’aborder le voyage sereinement et en toute sécurité.

Doit-on se renseigner sur les structures médicales à destination ?
Oui, c’est fortement conseillé. Il est utile de savoir où se rendre en cas d’urgence, mais aussi de vérifier ce que prévoit son assurance en termes de prise en charge, d’hospitalisation ou de rapatriement. Un simple appel à sa compagnie d’assurance avant le départ permettra de clarifier beaucoup de choses.

Existe-t-il un accompagnement en cas de problème avec le matériel ?
Le prestataire de santé assure généralement une astreinte technique 24h/24, 7j/7, mais cela dépend du pays où vous vous trouvez. D’où l’importance de prendre contact avec lui avant de partir, et d’avoir ses coordonnées. En cas de défaillance supposée du matériel, une infirmière ou infirmier pourra aider à faire le tri entre un problème technique et un besoin médical. Et en cas de souci médical, le diabétologue prescripteur peut être contacté, mais cela est parfois compliqué avec le décalage horaire. D’où l’importance de connaître les structures locales, et de bien se renseigner en amont, notamment avec son assureur pour connaître les conditions de prise en charge ou de rapatriement éventuel.

Une pompe de secours est-elle fournie pour le voyage ?
Cela dépend des prestataires. Pour les enfants, c’est souvent prévu. Pour les adultes, on conseille d’emporter son schéma de remplacement (stylos d’insuline lente et d’insuline rapide), pour assurer la continuité du traitement en cas de problème temporaire. L’objectif, c’est la sécurité avant tout.

Faut-il adapter son alimentation ou ses bolus en voyage ?
Il faut être attentif si l’on consomme des aliments inhabituels ou très riches en glucides, comme le riz ou certains plats sucrés. Les applications que l’on utilise en France ne couvrent pas toujours tous les aliments “locaux”. Il faut donc observer, tester, et ajuster au besoin ses doses de bolus.

Comment gérer les températures extrêmes ?
L’insuline ne doit pas geler ni être exposée à la chaleur excessive. Il faut éviter de la laisser dehors par temps très froid, ou en plein soleil. Une boîte de transport isotherme est souvent indispensable.

Pour en savoir plus :

Consultez notre dossier dédié au voyage et à la boucle fermée hybride comprenant :

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